L'ANC déchire aujourd'hui entre défenseurs de Jacob Zuma au centre et partisans de president actuel Cyril Ramaphosa, credit photo La Croix
À 79 ans, Jacob Zuma résiste toujours à la justice sud-africaine. Condamné le 29 juin à quinze mois de prison ferme pour outrage à la justice après avoir refusé de comparaître devant une commission anticorruption, l’ancien président a obtenu de la Cour Constitutionnelle qu’elle examine sa demande d’annulation du jugement.
Une première victoire pour l’ex-chef d’État, qui attise les dissensions au sein du parti présidentiel, le Congrès national africain (ANC). Cette même cour exigeait pourtant que Zuma soit placé derrière les barreaux dans un délai de cinq jours après sa condamnation, soit jusqu’au 4 juillet.
Luttes internes
Devant un parterre de supporteurs réunis devant sa résidence dans son fief du KwaZulu-Natal, Jacob Zuma a fustigé l’acharnement judiciaire dont il s’estime victime. « Je suis effrayé de voir que l’Afrique du Sud retombe sous un régime d’apartheid », a-t-il déclaré. Recevant de nombreux dignitaires politiques locaux et membres de l’ANC, l’ancien président a surtout cherché à entretenir les divisions au sein de son ancienne famille politique.
Parti au pouvoir depuis les premières élections multiraciales en 1994, l’ANC se déchire aujourd’hui entre les défenseurs de Jacob Zuma et les partisans du président actuel, Cyril Ramaphosa. « Ce dernier a fait de la lutte anticorruption son cheval de bataille», rappelle Raphaël Porteilla, maître de conférences en sciences politiques à l’université de Bourgogne et spécialiste du pays.
Les élections en ligne de mire
Élu en février 2018, Cyril Ramaphosa a promis de tourner la page des années Zuma, au cours desquelles de nombreux scandales de corruption ont entaché la crédibilité de l’ANC. La suspension en mai dernier d’Ace Magashule, soutien indéfectible de Jacob Zuma, de son poste de secrétaire général de l’ANC, reflète ce processus.
Cette dynamique est d’autant plus importante pour l’actuel président que les élections générales de 2024 sont déjà dans toutes les têtes. Cyril Ramaphosa devrait être candidat à sa propre succession et compte bien capitaliser sur le processus de lutte anticorruption, qui lui vaut des soutiens au sein du parti comme en dehors.
« Dernière cartouche »
Dans ce contexte, « Jacob Zuma résiste à la justice pour affaiblir la crédibilité de Ramaphosa, analyse Raphaël Porteilla. Il est conscient de son pouvoir de nuisance. » Issu d’une famille zouloue, ethnie peu représentée à l’ANC, Zuma jouit toujours d’une image de président des pauvres. « Son message au camp Ramaphosa consiste à dire : si vous venez me chercher, je vais mettre le peuple dans la rue », résume Raphaël Porteilla.
Pas sûr que cela soit suffisant pour influencer en profondeur le jeu politique sud-africain. « Zuma utilise sa dernière cartouche, tempère le professeur de sciences politiques. Son refus de se présenter devant la commission anticorruption constitue un aveu de faiblesse qui a considérablement dégradé sa crédibilité. » Sur le plan politique, Cyril Ramaphosa semble donc « déjà avoir gagné », poursuit-il. Reste à savoir si Jacob Zuma ira ou non en prison. Réponse le 12 juillet, date à laquelle la Cour Constitutionnelle réexaminera son jugement.
Source : William Gazeau, La Croix,