Côte d’Ivoire : Noël Akossi-Bendjo, de retour en grâce.

Rédigé par Abidjan4all le Samedi 20 Novembre 2021 à 11:47 | Lu 116 fois



Côte d’Ivoire : Noël Akossi-Bendjo, de retour en grâce.






 
Par Aïssatou Diallo
 
Rentré d’exil début juillet, l’ancien maire du Plateau a été nommé par Henri Konan Bédié à la tête d’une commission chargée de la réconciliation au PDCI. Un poste clé dans le parti qui lui permet de revenir dans le jeu politique.
 
« De temps en temps, Dieu vous demande de faire une pause avant de repartir », glisse Noël Akossi-Bendjo. Rentré à Abidjan le 3 juillet après trois années d’exil en France, l’ex-maire du Plateau, une des communes les plus importantes du pays, se fait philosophe lorsqu’on l’interroge sur ces années loin de sa terre natale.
 
À l’époque, la nouvelle tombe pourtant comme un couperet. Noël Akossi-Benjo apprend qu’il est révoqué pour des soupçons de détournement de fonds publics, faux et usage de faux en plein mois d’août, alors qu’il est en mission en Europe. Il décide alors de ne pas rentrer en Côte d’Ivoire. Mais dans le même temps, à Abidjan, la justice avance. Après plusieurs mois de procédure, il est condamné par contumace à vingt ans de prison, plus de 10 milliards de francs CFA d’amende et cinq ans de privation de droits. Un verdict qu’il n’a cessé de dénoncer. Il y voit un règlement de compte politique, survenu au moment où son parti, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), et la formation présidentielle, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) rompaient leur alliance.
 
Pendant son exil, il n’était pas rare pour les Ivoiriens à Paris de rencontrer Bendjo dans les rues du XVIe arrondissement. Ce dernier se prêtait volontiers à quelques selfies avec eux. « J’ai pu passer du temps en famille, lire et prendre du recul pour préparer ce que je fais maintenant. J’ai continué à animer le parti, affirme-t-il. Lorsqu’on s’éloigne, généralement, on vous oublie. Je suis heureux d’être de retour dans de bonnes conditions et de pouvoir continuer mon travail en tant que militant. »
 
Au centre du jeu
 
En Côte d’Ivoire, il a renoué avec la ferveur des messes, celle des fêtes au village, et avec le quotidien de sa famille politique. Ce 9 novembre, installé sur un fauteuil, dans une pièce de sa résidence du quartier huppé de la Riviera Golf, Noël Akossi-Bendjo est un homme détendu, souriant. Pour ce premier entretien qu’il accorde à la presse internationale depuis son retour, il s’est entouré de quelques membres de son équipe. Pas question pour celui qui avait par le passé laissé paraître sa volonté de briguer la magistrature suprême de parler de son avenir politique personnel. C’est fort de la nouvelle mission que lui a confiée Henri Konan Bédié qu’il a décidé de sortir de sa réserve et d’adresser un message de paix aux Ivoiriens.
 
Mi-octobre, l’ancien président a créé la surprise en annonçant la restructuration du secrétariat exécutif du PDCI et la nomination d’un conseiller spécial chargé de la réconciliation. Pour ce poste, il choisit Akossi-Bendjo et le charge de travailler à des propositions pour restaurer la cohésion interne du parti, mise à l’épreuve après le fiasco de la dernière présidentielle, et de fournir les éléments nécessaires pour que la formation participe au dialogue politique national, qui doit être relancé en décembre.
 
PENDANT SES ANNÉES D’EXIL EN FRANCE, BENDJO A BÉNÉFICIÉ DU SOUTIEN DE BÉDIÉ
 
Avec cette nomination, Bendjo revient au centre du jeu du PDCI. « Le président a pris l’engagement d’utiliser ses dernières forces pour réconcilier les Ivoiriens. C’est une mission noble au vu de toutes les crises que nous avons traversées. Il est temps que les Ivoiriens s’asseyent pour voir ce qui nous divise et trouver des solutions pour vivre ensemble. Il m’a demandé de l’accompagner en ce sens. C’est un honneur », glisse l’ancien maire, qui a reçu sa feuille de route le 2 novembre dernier.
 
PDCI de père en fils
 
Bédié se repose en réalité sur un fidèle. Chez les Bendjo, on est PDCI de père en fils. Son père cheminot était syndicaliste, avant d’être élu conseiller municipal d’Attécoubé sur une liste du parti. Son grand-père était un chef de village ébrié et un leader chrétien également engagé dans la formation. C’est donc naturellement qu’en 2001, Bendjo se lance à la conquête de la mairie du Plateau sous les couleurs du PDCI. « Ses aspirations et sa vision socio-démocrate me correspondent », insiste-t-il.
 
Pendant ses années d’exil en France, Bendjo a bénéficié du soutien de Bédié. Le président du parti a plusieurs fois exprimé publiquement sa solidarité à l’égard de son camarade et œuvré en coulisses, aux côtés d’autres caciques, comme le défunt Charles Konan Banny, pour son retour. L’ancien gouverneur de la BCEAO, très touché par son sort, s’était impliqué dans les négociations avec les autorités. Au-delà des relations partisanes, les deux hommes sont liés. « C’est à Dakar, chez Charles Konan Banny, que Bendjo a rencontré son épouse, lors du mariage de Jacques Ehouo », confie un membre de son entourage. Bendjo est la dernière personnalité politique à qui l’ancien Premier ministre, qui a également dirigé la Commission Dialogue Vérité Réconciliation (CDVR), a accordé une audience avant son décès, le 10 septembre 2021.
 
« Lorsque le président Bédié m’a annoncé au téléphone que je pouvais rentrer, ça a été un moment important », glisse Bendjo, qui se consacre désormais entièrement à sa nouvelle mission. Il a ainsi quitté le secrétariat exécutif du parti. « Individuellement, nous sommes des gouttes d’eau. Ensemble, nous sommes un océan capable de faire de grandes choses.  J’espère que chacun d’entre nous saura faire le sacrifice nécessaire pour ramener la paix dans notre pays », devise-t-il.
 
Équipe de fidèles
 
Mais comment se réconcilier lorsque chacun a sa vision de la manière de procéder ? Ce dialogue à venir ne sera-t-il pas qu’un raout de plus ? « Au cours du précédent dialogue, il a été question de l’organisation des élections. Je suis persuadé que si les conditions pour des élections transparentes et équitables étaient remplies, il n’y aurait pas de débats. À l’occasion de ce dialogue, il faut passer en revue l’ensemble des blocages, que ce soit au niveau de la commission électorale, de la liste, du découpage territorial…», estime-t-il.
 
IL PEUT Y AVOIR DES ACCORDS POUR FACILITER LE RETOUR DE CHARLES BLÉ GOUDÉ ET GUILLAUME SORO
 
Pour mener à bien sa mission, l’ancien maire du Plateau s’est entouré de cadres du parti. Son ami de longue date, Édouard Messou, maire de Niablé (Est) et directeur des affaires financières du parti, sera chargé de la gestion des partenariats, de la planification et de l’organisation. Raymond Ndohi, ancien maire de Koumassi, sénateur et vice-président du PDCI, assurera les relations avec les élus tandis que Franck Hermann Ekra s’occupera des questions internationales, et notamment des relations avec les chancelleries. L’analyste politique et consultant en stratégie d’image avait déjà assumé des fonctions similaires aux côtés de Charles Konan Banny lorsque ce dernier était à la tête de la CDVR. Enfin, Faizan Dibi Bi, directeur de cabinet de Bendjo depuis l’époque de la mairie du Plateau, assurera la coordination entre les différents membres de l’équipe.
 
Avec ses troupes, Bendjo procédera à une revue documentaire des conclusions des précédents dialogues et effectuera une série de rencontres afin de formuler des propositions. Avec un sujet prioritaire : le retour des exilés politiques. Depuis Paris, il avait joué le rôle de relais entre son parti et les autres opposants en exil. Il avait notamment accompagné Bédié lorsqu’il avait rendu visite à Laurent Gbagbo à Bruxelles, en juillet 2019. « La Constitution dit qu’aucun Ivoirien ne doit être maintenu à l’extérieur du pays. Je crois que chacun d’entre nous aspire à rentrer chez lui. Nous sommes dans une logique de réconciliation. Il faut tendre la main à tout le monde », ajoute-t-il.
 
Épée de Damoclès
 
Quid de l’ancien président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro et de l’ex-ministre de Laurent Gbagbo Charles Blé Goudé, tous sous le coup de condamnations par la justice ivoirienne ? « Dans une logique de réconciliation, il peut y avoir des accords pour faciliter leur retour. Tous les dossiers, même judiciaires, peuvent être traités. Il y a souvent des relents politiques à ces procès. Dans le cadre du dialogue, il faut que ces dossiers soient traités pour ramener la paix définitive dans notre pays », estime l’ancien maire, qui est lui-même rentré sans garantie quant à sa situation judiciaire.
 
Une épée de Damoclès qui pourrait s’abattre sur lui à tout moment ? Bendjo se veut optimiste : « Je crois fermement à la réconciliation et c’est la raison pour laquelle je m’implique. Mon arrivée rentre dans ce processus. Je suis rentré sans a priori et j’estime que tous les Ivoiriens devraient rentrer et bénéficier des mêmes conditions que moi. »
 
In Jeune Afrique en ligne du 19 novembre 2021
 

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