Crise à la filière hévéa/ Des planteurs en colère menacent de descendre dans la rue

Rédigé par Kouassi Norbert dit Norbert Nkaka Koffi le Jeudi 20 Juillet 2023 à 19:49 | Lu 589 fois


Les planteurs de la filière hévéa sont en colère contre certaines pratiques de l'association des professionnels de caoutchouc naturel de Côte d'Ivoire (Apromac), leur structure mère. Au cours d'une conférence de presse tenue le jeudi 20 juillet, à Cocody, le président de l'association des producteurs de caoutchouc naturel de Côte d'Ivoire ( Aprocanci), Baroan Roland et son secrétaire général, Amoakon Aimé ainsi que le vice président de l'association nationale des planteurs d'hévéa et affiliés (Anaphaci), Kadjo Alexis ont relevé plusieurs griefs contre l'Apromac. Aussi ont ils menacé d'organiser une marche éclatée dans les 18 secteurs si la situation reste en l'état.


Le succès de ce pays repose sur l'agriculture. Cette maxime, rend les planteurs fiers d'avoir contribué à bâtir leur pays et à lui donner une place importante dans l'économie mondiale. En effet grâce au dur labeur des braves paysans, la Côte d'Ivoire est classée, sur le plan mondial, parmi les premiers pays producteurs dans plusieurs spéculations agricoles. Malheureusement les effets de ce rayonnement agricole ne se matérialisent pas dans nos hameaux et villages. Les producteurs dans leur ensemble et singulièrement les planteurs d'hévéa ne jouissent pas pleinement du fruit de leur labeur. En effet, bien que la Côte d’Ivoire soit classée 3ème pays producteur de caoutchouc naturel au monde, les producteurs ivoiriens sont en proie à de nombreuses difficultés qui accentuent la précarité en leur sein. La baisse des prix mensuels et le non-respect de ces prix par certains opérateurs, les difficultés de livraisons occasionnées par le durcissement des procédures de réception qui diffèrent d’un usinier à un autre, certains usiniers allant jusqu’à pratiquer des réfactions sur la production des pauvres planteurs sous le prétexte d’une trop grande humidité, les délais de paiement allant de 2 semaines à 2 mois voire plus. Ce qui oblige parfois les producteurs à vendre leur caoutchouc à vils prix sous la pression des charges domestiques et des saigneurs. A cela faut il noter mauvaise répartition des ressources de la filière. En clair le producteur a du mal à joindre les deux bouts. En face, le refus de certains usiniers à collaborer avec les sociétés coopératives de producteurs. Afin de comprendre les causes profondes de ces difficultés et proposer des solutions objectives, l’ANAPHA-CI et l’APROCANCI, dans l'exercice de leur mission de défense des intérêts des producteurs de caoutchouc naturel de Côte d’Ivoire, ont procédé à l’analyse de l'organisation et du fonctionnement de l'APROMAC. Celle ci s’est principalement appuyée sur le rapport produit en mai 2022 par la Direction des OPA du ministère d'État, ministère de l'agriculture et du développement rual (MEMINADER) à l'issue de la mission d’état des lieux dans le cadre du programme de suivi des activités des filières agricoles et du renforcement de capacités des acteurs. Un mémorandum dénonçant la non-conformité de l’OIA APROMAC avec les prescriptions des textes qui l’encadrent a été produit. Il en ressort que les associations qui composent les collèges de l’APROMAC n’ont pas entièrement satisfait aux procédures de déclaration et de publication telles que prévues par la loi n°60-315 du 21 septembre 1960 relatives aux associations. Aussi les producteurs individuels n’ont qu’un seul représentant au sein du Conseil d’Administration au lieu de deux représentant au moins pour les producteurs individuels.Cette même ordonnance dispose que seules les organisations les plus représentatives sont autorisées à siéger au sein d’une OIA. Or à l’APROMAC, aucune des associations n’est représentative. En effet, pris individuellement, ni le FISH, ni le COP-HEVEA n’ont pu apporter la preuve qu’ils possèdent plus de 15% de l’effectif des producteurs (soit 24 339 producteurs membres). Collectivement, ils n’ont pas pu prouver que la FPH-CI a plus de 50% de l’effectif national des producteurs (soit 81 129 producteurs membres). En 2019, lors de la mise en place de l’OIA APROMAC, la FPH-CI avait revendiqué 71000 membres, soient 77% de l’effectif national, là où le REEA 2015 annonce 162 258 producteurs de caoutchouc naturel sur le plan national. Rapporté à l’effectif du REA 2015, le nombre de membres déclaré par la FPH-CI ne représente en réalité que 33,69% de l’effectif national. La FPH-CI et ses organisations de bases (FISH et COP-HEVEA) ne fonctionnent pas conformément à leurs statuts et règlement intérieur. Plus grave, il existe des contradictions sont relevées. L’analyse de la liste des membres du Conseil d’Administration de l’APROMAC, montre que sur quinze (15) administrateurs représentant les producteurs, seulement 6 sont des producteurs à titre individuel. Les 9 autres sont des hommes politiques, des salariés ou des hommes d’affaires. Ce qui est un manquement aux dispositions de l’ordonnance qui stipule que 3/4 des représentants des producteurs. En clair, l'ordonnance est violée sur plusieurs points. Bien que n’ayant pas prouvé leur représentativité, la FPH-CI et ses associations membres (FISH et COP-HEVEA) ont perçu plus de 8 milliards pour leur fonctionnement. De plus, elles détiennent la majorité des voix au Conseil d’Administration et à l’Assemblée Générale de l’APROMAC. Elles usent de cette majorité pour imposer leur dictat sans tenir compte de la nécessité de privilégier le consensus telle que préconisée par l’ordonnance. L’APROMAC ne respecte pas les principes de transparence et de partage. Pis elle refuse d’ouvrir la participation à l’ANAPHA-CI et à l’APROCANCI, organisations qui, conformément à l’ordonnance 2011-473 jouent un rôle dans la filière hévéa et remplissent les conditions de représentativité requises. Face à tous ces dysfonctionnements, l’ANAPHA-CI et l’APROCANCI ont, par courrier en date du 19 juin 2023, saisi les ministères en charge du suivi des activités de l’OIA APROMAC, avec en pièces jointes au courrier ledit mémorandum et le rapport de la DOPA. Soulignons que selon l’article 2 du décret N°2020-276 du 26 février 2020 portant reconnaissance de l’OIA de la filière hévéa, le Ministère d’Etat, ministère de l’Agriculture et du Développement Durable, le Ministère de l’Economie et de Finances, Ministre du Budget et du Portefeuille de l’Etat, le Ministre du Commerce, de l’Industrie et de la promotion des PME sont chargés de l’application dudit décret. Un mois après la transmission dudit courrier à l’administration, aucune action notable en vue de la mise en conformité de l’APROMAC n’a été prise par les ministères de tutelle. Les recommandations du CHPH et du Commissaire du Gouvernement à l'APROMAC travers le courrier référencé 1148/CHPH/DG/Kam du 14 décembre 2022 n’ont pas été exécutées. L’ANAPHA-CI et l’APROCANCI sont toujours tenues à l'écart des prise de décisions dans la filière hévéa. "Pour toutes ces raisons, l'Aprocanci et l’Anaphaci représentant plus de 40 000 producteurs cotisant pour le fonctionnement de l’APROMAC, instruisent deux cents (200) de leurs délégués à prendre les dispositions en vue de l’organisation de marches éclatées dans les 18 secteurs hévéicoles", a signifié Baroan Roland. Les planteurs réclament entre autres la suspension immédiate des prélèvements sur le revenu des producteurs au profit de ces associations non représentatives, le report de l'AGO de L'APROMAC prévue pour le 26/07/23, la mise en conformité de l'OIA APROMAC avec les dispositions de l'ordonnance n°2011-473 du 21 décembre 2011, l’application de la décision n°1148/CHPH/DG/Kam du 14 décembre 2022 , l’évaluation de la représentativité des OPA du collège des producteurs, un audit des comptes du collège des producteurs de l’OIA APROMAC, l’annulation de la signature de M. KOBLAVY, Président de COP-HEVEA, sur les comptes bancaires de l’OIA APROMAC, l’annulation de la dotation ministérielle de 500 millions décidée lors du Conseil d’Administration de l’APROMAC tenu le 11 juillet 2023, la publication des accords secrets qui font de l’OIA APROMAC l’otage du FISH qui utilise l’argent des planteurs pour payer ses nombreuses dettes, la répartition des voix délibératives au sein du collège des producteurs entre les OPA les plus représentatives, la réévaluation du mécanisme de fixation du prix APROMAC, la signature, par les usiniers charte d’éthique en vue du respect sans conditions du prix APROMAC et de la non-application de réfactions sur la production des pauvres planteurs, l’harmonisation des procédures de réception des fonds de tasses dans les usines. "En signant le décret N°2020-276 du 26 février 2020 portant reconnaissance de l’OIA de la filière hévéa, le Chef de l’Etat SEM Alassane Ouattara confiait la destinée des planteurs d’hévéa de Côte d’Ivoire à l’APROMAC, leur maison commune, avec pour espoir que le sens de responsabilité des acteurs (producteurs et usiniers) permettrait de faire de la filière hévéa, une filière juste, compétitive et équitable. Malheureusement, force est de constater que l’OIA APROMAC est loin de réaliser les ambitions du Chef de l’Etat et de son Gouvernement. Il nous revient à nous, producteurs, de mettre tout en œuvre afin que soit corrigé ce qui doit l’être", a conclu le conférencier.

Norbert Nkaka ( Source : service de communication de l'Aprocanci)

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