SAM L'Africain lors de son témoignage à la CPI
« …Sur la liste des témoins du procureur, je découvrais un nom : SAM JICHI MOHAMED dit SAM L’AFRICAIN. Il portait initialement le numéro d’identification 44 pour garantir son anonymat. C’est ainsi qu’on protège les témoins à la cour pénale internationale jusqu’au jour de leur déposition.
Mais en ce qui concerne SAM L’AFRICAIN, par une divulgation officiellement inexpliquée, son nom a été porté à la connaissance du grand public le 04 février 2016 alors que nous étions en session à huis clos. Ce jour-là un séisme avait secoué la cour. J’en parle avec plus de détails dans le chapitre intitulé « la divulgation du nom des témoins du procureur : erreur technique ou le doigt de Dieu ? ».
Je savais avant ce jour du 04 février 2016 que SAM L’AFRICAIN était sur la liste des témoins de l’accusation. Dans la procédure pénale, le principe du contradictoire oblige l’accusation à communiquer aux autres parties notamment à la défense les documents et les pièces sur lesquels elle fonde sa poursuite.
Je savais tout de ce qu’avait déclaré « ce témoin important du procureur ». Sa déclaration devant les enquêteurs du bureau du Procureur était imposant par son volume. J’avais lu SAM, le témoin P 44 devenu P 626 après l’incident de la divulgation…
Il n’est pas facile de défendre un cas alors que vous êtes un ressortissant de l’état où se sont déroulés les incidents à l’origine des soupçons de violations des droits de l’homme. Vous avez accès aux données confidentielles personnalisées. Cependant, vous devez garder le silence sur ces faits sans souffler un seul mot à votre entourage. Pas même à votre conjoint ou conjointe. Vous devez faire preuve d’un professionnalisme responsable.
Chose plus difficile pour un pays comme la Côte d’Ivoire, vous ne devez pas en tant que membre de l’équipe de défense approcher un témoin du procureur. Ce serait une faute très grave passible d’une sanction. Or, dans le marigot ivoirien, nous nous connaissons presque tous. Surtout lorsque nous sommes sensiblement de la même génération.
J’ai expérimenté cette difficulté avec le nommé SAM JICHI MOHAMED.
Un jour, son avocat m’appelle. Il s’agit d’un promotionnaire : maitre ABIÉ MODESTE. Il me parle naturellement. « Cher frère, comment vas-tu ? ». Je réponds en lui disant que tout va bien. Il me dit qu’il veut me voir avec son client SAM L’AFRICAIN. Dès que j’entends ce nom, mon sang fait un tour. Je me parle à moi-même : mais pourquoi veut-il me voir ce témoin du procureur ?
Je demande à mon confrère l’objet de cette rencontre. Il m’explique qu’il y a une affaire qui a eu lieu à Sassandra, une ville balnéaire située à 283 kilomètres à l’ouest d’Abidjan la capitale administrative de la Côte d’Ivoire. Ayant appris que j’étais constitué pour défendre les intérêts d’une partie, il souhaitait me voir avec SAM. Peu importe. Je ne dois pas rencontrer un témoin de l’accusation. Mais comment expliquer la véritable raison à mon confrère alors qu’il ne doit pas savoir que SAM L’AFRICAIN est témoin pour le compte du bureau du procureur de la cour pénale internationale ? C’était en 2015 bien avant le début du procès.
Un dilemme. Je prends prétexte d’un calendrier chargé. Mais mon confrère insiste. Je suis constitué dans l’affaire de Sassandra et il a besoin de moi. Je lui propose de le rencontrer seul. Mais il me dit que c’est SAM qui demande à me voir par rapport à cette affaire. J’ai finalement allongé les rendez-vous jusqu’à ce que je prenne mon vol pour la Haye sans avoir rencontré le témoin P 44. Je n’avais pas le droit d’approcher un témoin du procureur.
C’est bien plus tard que j’ai expliqué à mon confrère maitre ABIÉ les raisons de ma résistance stratégique. En ce moment-là, le témoin SAM L’AFRICAIN avait fini de faire « son show » dans la mythique salle d’audience numéro…
Mais en ce qui concerne SAM L’AFRICAIN, par une divulgation officiellement inexpliquée, son nom a été porté à la connaissance du grand public le 04 février 2016 alors que nous étions en session à huis clos. Ce jour-là un séisme avait secoué la cour. J’en parle avec plus de détails dans le chapitre intitulé « la divulgation du nom des témoins du procureur : erreur technique ou le doigt de Dieu ? ».
Je savais avant ce jour du 04 février 2016 que SAM L’AFRICAIN était sur la liste des témoins de l’accusation. Dans la procédure pénale, le principe du contradictoire oblige l’accusation à communiquer aux autres parties notamment à la défense les documents et les pièces sur lesquels elle fonde sa poursuite.
Je savais tout de ce qu’avait déclaré « ce témoin important du procureur ». Sa déclaration devant les enquêteurs du bureau du Procureur était imposant par son volume. J’avais lu SAM, le témoin P 44 devenu P 626 après l’incident de la divulgation…
Il n’est pas facile de défendre un cas alors que vous êtes un ressortissant de l’état où se sont déroulés les incidents à l’origine des soupçons de violations des droits de l’homme. Vous avez accès aux données confidentielles personnalisées. Cependant, vous devez garder le silence sur ces faits sans souffler un seul mot à votre entourage. Pas même à votre conjoint ou conjointe. Vous devez faire preuve d’un professionnalisme responsable.
Chose plus difficile pour un pays comme la Côte d’Ivoire, vous ne devez pas en tant que membre de l’équipe de défense approcher un témoin du procureur. Ce serait une faute très grave passible d’une sanction. Or, dans le marigot ivoirien, nous nous connaissons presque tous. Surtout lorsque nous sommes sensiblement de la même génération.
J’ai expérimenté cette difficulté avec le nommé SAM JICHI MOHAMED.
Un jour, son avocat m’appelle. Il s’agit d’un promotionnaire : maitre ABIÉ MODESTE. Il me parle naturellement. « Cher frère, comment vas-tu ? ». Je réponds en lui disant que tout va bien. Il me dit qu’il veut me voir avec son client SAM L’AFRICAIN. Dès que j’entends ce nom, mon sang fait un tour. Je me parle à moi-même : mais pourquoi veut-il me voir ce témoin du procureur ?
Je demande à mon confrère l’objet de cette rencontre. Il m’explique qu’il y a une affaire qui a eu lieu à Sassandra, une ville balnéaire située à 283 kilomètres à l’ouest d’Abidjan la capitale administrative de la Côte d’Ivoire. Ayant appris que j’étais constitué pour défendre les intérêts d’une partie, il souhaitait me voir avec SAM. Peu importe. Je ne dois pas rencontrer un témoin de l’accusation. Mais comment expliquer la véritable raison à mon confrère alors qu’il ne doit pas savoir que SAM L’AFRICAIN est témoin pour le compte du bureau du procureur de la cour pénale internationale ? C’était en 2015 bien avant le début du procès.
Un dilemme. Je prends prétexte d’un calendrier chargé. Mais mon confrère insiste. Je suis constitué dans l’affaire de Sassandra et il a besoin de moi. Je lui propose de le rencontrer seul. Mais il me dit que c’est SAM qui demande à me voir par rapport à cette affaire. J’ai finalement allongé les rendez-vous jusqu’à ce que je prenne mon vol pour la Haye sans avoir rencontré le témoin P 44. Je n’avais pas le droit d’approcher un témoin du procureur.
C’est bien plus tard que j’ai expliqué à mon confrère maitre ABIÉ les raisons de ma résistance stratégique. En ce moment-là, le témoin SAM L’AFRICAIN avait fini de faire « son show » dans la mythique salle d’audience numéro…
Me N'DRI Claver
J’observe le visage de SAM. Il présente les traits d’un adversaire du procureur. Il devient nerveux. Il devient hostile. Il se braque contre MACDONALD qui lui-même devient de plus en plus nerveux. Son témoin, celui qu’il qualifiait d’ « insider » c’est-à-dire un témoin de l’intérieur, est en train de lui échapper. Son témoin est passé de l’autre bord.
Il n’y a rien de plus terrible pour un acteur de la justice que de vivre une telle situation. Une affaire annoncée depuis des années. Des personnes présentées au monde entier comme des criminels. Le temps du procès, le temps de l’épreuve ; le temps de la vérité. La lumière de l’épreuve des allégations. L’épreuve du feu sous les projecteurs. L’audience publique est la meilleure garantie de l’accusé. Ce caractère public du procès livre en spectacle les falsificateurs de l’histoire. Le sorcier n’aime pas la lumière du jour. Voici SAM, le témoin tant attendu….Vraiment le procès pénal est un rendez-vous avec une fin inconnue.
SAM relativise toute sa déclaration antérieure. Il justifie les activités de la Galaxie patriotique : « Non monsieur le procureur, posez les bonnes questions…La Côte d’Ivoire a été attaquée par les rebelles et les jeunes se sont opposés ». La maladresse du procureur n'a pas été d'interroger ce témoin dans ces conditions? À la Pergola, un hôtel refuge des opposants...
Je regarde à ma droite, l’équipe de défense du président Laurent GBAGBO se marre. Maitre ALTIT et JENNIFER ne tiennent plus. Le témoin que nous avons craint, est devenu à la surprise générale un ami de la défense. L’architecture de l’accusation prend un sacré coup dans sa construction. Le cinquième témoin vient de frapper un mur porteur. SAM était venu pour accréditer des thèses qui devaient participer à maintenir les accusés en prison. Il devait notamment attester l’existence d’une structure parallèle missionnée pour mettre en œuvre une politique criminelle conçue par l'entourage immédiat du président Laurent GBAGBO; il devait soutenir l’allégation selon laquelle la galaxie patriotique était une structure hiérarchisée ayant à sa tête Charles Blé GOUDÉ …
SAM, comme un défenseur s’opposait au dessein du procureur. Au cours de sa déposition, une scène surréaliste va marquer l'opinion publique.
Le témoin SAM L’AFRICAIN va en pleine audience, avec une voie tremblotante, raconter une intervention du président Laurent GBAGBO alors que sa mère était malade...: « Je donne juste un petit exemple, et ça, je vais jamais l’oublier jusqu’à ma mort. Ici, je vois, il y a des femmes ici, des mères, des dames. Moi, j’avais une mère qui se... se portait pas bien, qui était malade, qui était obèse, elle faisait près de 180 kilos, 190 kilos. J’ai fait un voyage, un meeting avec le Président de la République à Bondoukou, dans une région du nord-ouest. On était à table en train de manger avec le Président lui-même. J’étais assis en face, comme ça, j’étais assis, là, je mangeais, lui, il était en face de moi, et il y avait ses conseillers et ses ministres. Lorsque j’ai reçu un coup de téléphone qui venait d’Abidjan de mon... de mon frère, me disant que ma mère venait d’attaquer une crise, un arrêt cardiaque. Moi, je n’ai rien dit au Président, mais le coup de téléphone avait changé mon comportement et mon visage. Le Président a ressenti que je n’allais pas bien, que j’avais un problème. Il m’a demandé, je lui ai expliqué... (Le témoin se lève) ... il s’est levé comme un homme qui... qui était sensible à ce qui m’arrivait, et automatiquement, il a... il a donné l’ordre à son médecin, qui s’appelait docteur Blé, de rentrer en contact urgemment avec mon frère et de faire partir une ambulance pour prendre ma mère et aller la sauver. Ça a été fait en moins de 10 minutes. On l’a amenée à « la » plus « grande » hôpital de... d’Abidjan, à Pisam, et elle a été sauvée. Tout le temps qu’elle était là-bas, elle était attaquée, c’est lui qui s’est occupé d’elle. Je ne vais jamais oublier ça. Jamais. Ma mère, je ne vais jamais oublier qu’elle est décédée il y a deux ans. Mais avant de mourir, elle m’a dit... elle est morte dans ma main à 2 heures, 3 heures du matin, elle m’a dit : « Ce monsieur, je le bénis, tu le laisses jamais tomber. » Je ne le laisserai jamais tomber, juste pour ma mère, jamais je ne vais le laisser tomber. Ce n’est pas un criminel, je veux que tout le monde le sache. C’est vrai, il y a eu la crise, il y a eu des morts, c’est vrai ; mais ce n’est pas planifié, c’était dans une crise. ». Ah ! ces témoins !
Comme un spectacle. Du jamais vu.
Pendant que SAM exposait, je regardais le juge CUNO TARFUSSER écouter religieusement le témoin. Les bras croisés, dans une position de prière, le juge-président avait des larmes aux yeux.
Scène savamment préparée ? Improvisation sous l’émotion ? Toujours est-il que pour en savoir davantage, à la fin de l’audience, j’ai posé la question au président Laurent GBAGBO au sujet de la véracité de ce récit. Voici ce qu’il m’a dit : « … ». Pendant que le président me parlait, Charles m'approche, il frappe mes épaules et il me dit: " Le Dieu que tu pries est fort." Il le disait parce que deux jours avant j'avais prédit que ce témoin allait nous surprendre....
La suite quand le livre paraitra. Je m’arrête ici pour les secrets du procès. La petite voix est en train….
À dimanche prochain s’il plait à l’Auteur de la vie d’en disposer ainsi.
Un texte de Me NDRI CLAVER, avocat de Blé Goudé Charles
Il n’y a rien de plus terrible pour un acteur de la justice que de vivre une telle situation. Une affaire annoncée depuis des années. Des personnes présentées au monde entier comme des criminels. Le temps du procès, le temps de l’épreuve ; le temps de la vérité. La lumière de l’épreuve des allégations. L’épreuve du feu sous les projecteurs. L’audience publique est la meilleure garantie de l’accusé. Ce caractère public du procès livre en spectacle les falsificateurs de l’histoire. Le sorcier n’aime pas la lumière du jour. Voici SAM, le témoin tant attendu….Vraiment le procès pénal est un rendez-vous avec une fin inconnue.
SAM relativise toute sa déclaration antérieure. Il justifie les activités de la Galaxie patriotique : « Non monsieur le procureur, posez les bonnes questions…La Côte d’Ivoire a été attaquée par les rebelles et les jeunes se sont opposés ». La maladresse du procureur n'a pas été d'interroger ce témoin dans ces conditions? À la Pergola, un hôtel refuge des opposants...
Je regarde à ma droite, l’équipe de défense du président Laurent GBAGBO se marre. Maitre ALTIT et JENNIFER ne tiennent plus. Le témoin que nous avons craint, est devenu à la surprise générale un ami de la défense. L’architecture de l’accusation prend un sacré coup dans sa construction. Le cinquième témoin vient de frapper un mur porteur. SAM était venu pour accréditer des thèses qui devaient participer à maintenir les accusés en prison. Il devait notamment attester l’existence d’une structure parallèle missionnée pour mettre en œuvre une politique criminelle conçue par l'entourage immédiat du président Laurent GBAGBO; il devait soutenir l’allégation selon laquelle la galaxie patriotique était une structure hiérarchisée ayant à sa tête Charles Blé GOUDÉ …
SAM, comme un défenseur s’opposait au dessein du procureur. Au cours de sa déposition, une scène surréaliste va marquer l'opinion publique.
Le témoin SAM L’AFRICAIN va en pleine audience, avec une voie tremblotante, raconter une intervention du président Laurent GBAGBO alors que sa mère était malade...: « Je donne juste un petit exemple, et ça, je vais jamais l’oublier jusqu’à ma mort. Ici, je vois, il y a des femmes ici, des mères, des dames. Moi, j’avais une mère qui se... se portait pas bien, qui était malade, qui était obèse, elle faisait près de 180 kilos, 190 kilos. J’ai fait un voyage, un meeting avec le Président de la République à Bondoukou, dans une région du nord-ouest. On était à table en train de manger avec le Président lui-même. J’étais assis en face, comme ça, j’étais assis, là, je mangeais, lui, il était en face de moi, et il y avait ses conseillers et ses ministres. Lorsque j’ai reçu un coup de téléphone qui venait d’Abidjan de mon... de mon frère, me disant que ma mère venait d’attaquer une crise, un arrêt cardiaque. Moi, je n’ai rien dit au Président, mais le coup de téléphone avait changé mon comportement et mon visage. Le Président a ressenti que je n’allais pas bien, que j’avais un problème. Il m’a demandé, je lui ai expliqué... (Le témoin se lève) ... il s’est levé comme un homme qui... qui était sensible à ce qui m’arrivait, et automatiquement, il a... il a donné l’ordre à son médecin, qui s’appelait docteur Blé, de rentrer en contact urgemment avec mon frère et de faire partir une ambulance pour prendre ma mère et aller la sauver. Ça a été fait en moins de 10 minutes. On l’a amenée à « la » plus « grande » hôpital de... d’Abidjan, à Pisam, et elle a été sauvée. Tout le temps qu’elle était là-bas, elle était attaquée, c’est lui qui s’est occupé d’elle. Je ne vais jamais oublier ça. Jamais. Ma mère, je ne vais jamais oublier qu’elle est décédée il y a deux ans. Mais avant de mourir, elle m’a dit... elle est morte dans ma main à 2 heures, 3 heures du matin, elle m’a dit : « Ce monsieur, je le bénis, tu le laisses jamais tomber. » Je ne le laisserai jamais tomber, juste pour ma mère, jamais je ne vais le laisser tomber. Ce n’est pas un criminel, je veux que tout le monde le sache. C’est vrai, il y a eu la crise, il y a eu des morts, c’est vrai ; mais ce n’est pas planifié, c’était dans une crise. ». Ah ! ces témoins !
Comme un spectacle. Du jamais vu.
Pendant que SAM exposait, je regardais le juge CUNO TARFUSSER écouter religieusement le témoin. Les bras croisés, dans une position de prière, le juge-président avait des larmes aux yeux.
Scène savamment préparée ? Improvisation sous l’émotion ? Toujours est-il que pour en savoir davantage, à la fin de l’audience, j’ai posé la question au président Laurent GBAGBO au sujet de la véracité de ce récit. Voici ce qu’il m’a dit : « … ». Pendant que le président me parlait, Charles m'approche, il frappe mes épaules et il me dit: " Le Dieu que tu pries est fort." Il le disait parce que deux jours avant j'avais prédit que ce témoin allait nous surprendre....
La suite quand le livre paraitra. Je m’arrête ici pour les secrets du procès. La petite voix est en train….
À dimanche prochain s’il plait à l’Auteur de la vie d’en disposer ainsi.
Un texte de Me NDRI CLAVER, avocat de Blé Goudé Charles