Alassane-ouattara-laurent-gbagbo-konan-bédié
En effet, fille des 30 "désastreuses", cette expression semble être la préférée du lexique des populations. Elle est sur toutes les lèvres. Et cet usage excessif est à mettre évidemment en corrélation avec nos pérégrinations politiques et leurs lots de rancœurs et d'anxiété.
Réconciliation par-ci réconciliation par-là, pour paraphraser les Zouglous disons que « même celui qui ne se brosse pas, parle de réconciliation ».
Ainsi la réconciliation est-elle devenue à la fois une sorte d'auberge espagnole où l'on ne trouve que ce que l'on y apporte, et un véritable serpent de mer.
Alors, pour parler comme le linguiste, le signifiant ici renvoie-t-il au même signifié ? En d'autres termes, tous ceux qui parlent de réconciliation à longueur de journée parlent-ils de la même chose ?
La réconciliation, est-ce lorsque Messieurs Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo fileront le parfait amour ? Ou est-ce lorsque Pierre aura pris sa revanche sur Paul ? Ou est-ce lorsque les Ivoiriens relanceront leur pays sur la base d'un nouveau contrat social engageant tous les fils et toutes les filles de ce pays ?
Avec ces approches polémiques, le risque n'est-il pas grand de se retrouver à remplir le tonneau des Danaïdes ? En définitive, à quel moment dirons-nous que les Ivoiriens sont réconciliés ?
A l'évocation des multiples conditions pour une réconciliation effective, conditions aux couleurs des saisons et des humeurs, une exigence principale semble être partagée, celle de l'entente entre Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo. En d'autres termes, pour les tenants de cette thèse majeure, il y aura une osmose entre les Ivoiriens lorsque ces trois leaders s'embrasseront sur la bouche. Rien que ça.
Cette posture nous apparaît réductrice et superficielle parce que la question de fond est au-delà des affichages. Certes, étant le problème, ils font partie de la solution mais ils ne sauront être toute la solution.
La question de la cohésion sociale est profondément politique et elle doit être traitée comme telle.
Il ne nous est pas demandé de nous aimer ou de penser tous de la même façon, il nous est simplement demandé de vivre ensemble dans un contrat social mutuellement consenti. Tel est le socle de la vie communautaire. Rien que ça.
Aussi, la seule trompette à emboucher aujourd'hui et demain est celle appelant à l'avènement de ce nouveau contrat social qui permettra à la Côte d'Ivoire d'opérer sa mue en se débarrassant de cette peau défraîchie.
Comme un cours d'eau, avec ou sans le concours des "preneurs d'otages" et quelles que soient les embûches, la Côte d'Ivoire trouvera inéluctablement le chemin vers ce nouveau pacte social, pour le bonheur des populations.
Tel est le sens de l'histoire, le sens de notre histoire. Il faudra plus que les états généraux de l'école ivoirienne, il faut impérativement les Etats Généraux de la République. Cette catharsis n'est ni verte, ni rose, ni orange. Elle est simplement de couleurs Orange, Blanc et Vert. Elle est aux couleurs du drapeau national et elle ne devrait effrayer personne. Les tenants actuels du pouvoir gagneraient même à anticiper les choses et cela serait tout à leur honneur.
La vraie réconciliation selon nous, c'est lorsque sur la base de ce nouveau contrat social, les populations ne suivront plus un leader pour la simple raison qu'il est des leurs au sens tribal de l'expression, mais plutôt pour le projet politique dont il est porteur. Elles ne s'attacheront plus aux origines culturelles du leader mais à son projet de société et à son programme de gouvernement parce que ceux-ci sont porteurs d'espoir et d'espérance.
C'est dans l'application effective de la démocratie à travers celle de la loi, des lois, que se trouve la réconciliation vraie, celle des esprits et ensuite des cœurs. Elle n'est nulle part ailleurs, ni dans les campagnes d'affichage, ni dans les sourires hypocrites, ni dans les déclarations ostentatoires d'intentions et autres vœux pieux.
Dans les pays qui se sont engagés fortement et pleinement dans les pratiques démocratiques, il ne s'agit point d'amour béat entre la mosaïque de populations, mais de respect des droits et devoirs. C'est à cette condition que dans ces pays, les changements à la tête des institutions se font généralement en douceur et que les conflits inhérents à la cohabitation se règlent toujours par les mécanismes institutionnels. Pas besoin de massues et de gourdins comme du temps des cavernes.
Il ne faut donc pas se tromper en liant de manière déterministe l'avènement de la réconciliation nationale aux retrouvailles joyeuses entre Messieurs Henri Konan Bédié, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. Il en faut plus.
Le nouveau contrat social devrait être l'occasion pour ces "preneurs d'otages", sujets et objets de toutes les crispations et cristallisations, de libérer les Ivoiriens en prenant leur retraite politique, en passant à une autre vie.
Dans tous les cas, ils ont le choix entre anticiper sagement cette implacable et imminente perspective ou y être contraints d'une manière ou d'une autre par l'histoire, par la nouvelle génération.
La bonne graine est à présent dans l'antichambre pour la modernité, le renouveau et la gloire du géant africain qui sommeille.
Gnêrèwolloh