L'Agbandji ne célèbre pas la richesse mais la reconnaissance
La fête de l'Agbandji en pays Adjoukrou, contrairement à ce que l'on fait croire, n'est point une célébration de la richesse encore moins une fête de noblesse ou d'exhibition de sa puissance financière au point de susciter l'envie et la jalousie des voisinages. C'est plutôt un rituel qui prépare l'impétrant à son entrée dans le giron des tenants du pouvoir détenu par les Bodj'l, appelés très sagement les Ebebou. Les Ebebou forment la chambre haute du pouvoir en pays Adjoukrou et leur décision est irrévocable. Mais pour célébrer l'Ebeb, il faudra passer nécessairement par le feu de l'Agbandji. C'est une condition sine qua non.
L'Agnandji, condition sine qua non à l'Ebeb
Djédjro Esmel Bénoit, ex agent des douanes, futur Ebebou
De fait, selon des sachants du peuple Léboutou, après le Low qui consacre la fin de l'adolescence, période pendant laquelle le jeune a tout obtenu des parents, le nouvel intégré qui a atteint la maturité (21 ans) doit pouvoir s'affirmer par son ardeur au travail. Il doit faire preuve de responsabilité pour apporter de quoi nourrir sa famille à son tour. C'est donc une aventure, un défi qu'il doit relever avec le soutien spirituel du village. Quand il a réussi, il doit revenir pour manifester sa reconnaissance et exprimer sa maturité et son aptitude à faire face aux charges communautaires. Mais aussi il devient l'un de ceux de sa génération montante à qui l'on doit confier le pouvoir gérontocratique, cette démocratie ancestrale qui caractérise le peuple Adjoukrou. Le volet social, c'est l'effet de contagion et didactique que suscite l'Agbandji, car il est l'exaltation au travail et à la quête pour devenir quelqu'un demain. L'Agbandji suscite l'émulation au dépassement de soi, à l'independance financière et à la maturité.
L'Agbandji ou l'expression de la générosité et de retrouvailles
Des dons ont été offerts aux impétrants
Le caractère festif de cette célébration, c'est l'abondance et les gestes de grande générosité et de largesses. Mais aussi les dons. Ce samedi 2 mars à Niguinanou, après avoir dégusté le foufou à la sauce Soumérédi ( sauce feuille avec la viande de requin) ainsi que l'Attiéké huilé au poisson, tout cela bien arrosé de vin ou d'alcool frelaté, nous voilà sur la place publique où se bouscule un monde fou. On eût dit que ce petit village, peuplé d'ordinaire de 1500 âmes, est devenu la capitale du peuple Adjoukrou. Les villages voisins ainsi que plusieurs artistes sont de la fête.
Une vraie leçon de vie, d'amour du travail, source de liberté
Sur la place elle même, l'ètèkprè ou la danse du tam tam parleur bât son plein. Après une parade au son de la fanfare, ponctuée par les jets de pièces d'argent et de friandises sur les foules, les impétrants, Djédjro Adjessi Clément, planteur ( Bodj'l Odjongba) et son cadet Djédjro Esmel Bénoit, ex agent des douanes à la retraite (Bodj'l Bago) font leur entrée. L'ambiance devient alors électrique. Danses traditionnelles et prestations d'artistes rivalisent. Puis la série des dons en nature et en espèces. Mais le couronnement, c'est le port du chapeau en signe de chef. Désormais, ils sont admissibles à la fête de l'Ebeb qui aura lieu au mois de décembre et qui va porter sa génération au pouvoir. Et ils en feront partie. " Je suis visiblement ému. On ne peut jamais rembourser tout le soutien que les parents et les villageois nous apportent pendant notre carrière. C'est immense. Nous voulons tout simplement leur dire de continuer à oeuvrer pour le développement du village. Nous sommes prêts à y contribuer ", a traduit Djédjro Esmel Bénoit . La fête a continué très tard dans la nuit
Norbert Nkaka