Le 20 mars 2025, Tidjane Thiam, président du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI-RDA), a officiellement renoncé à sa nationalité française, condition nécessaire pour valider sa candidature à la présidence ivoirienne. Cette démarche s'inscrit dans un climat de contestation entretenu par le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), qui a multiplié les interrogations sur la nationalité de M. Thiam, le présentant tantôt comme Sénégalais, tantôt comme Français. Ces accusations ravivent un débat identitaire récurrent dans la vie politique ivoirienne, dont les conséquences ont par le passé alimenté des tensions et des crises sociopolitiques majeures.
L'instrumentalisation de la question de la nationalité comme stratégie politique constitue un risque sérieux pour la cohésion nationale. Cette tactique, perçue comme une tentative d'exclusion, pourrait attiser des clivages ethniques et exacerber les tensions politiques. De telles pratiques détournent l'attention des véritables enjeux socio-économiques et institutionnels, essentiels pour le développement du pays. L'histoire récente démontre que l'instrumentalisation de la nationalité a déjà entraîné des crises profondes, notamment la rébellion armée de 2002 menée par Guillaume Soro, qui avait été justifiée en partie par l'exclusion politique fondée sur l'identité nationale, visant à l'époque Alassane Ouattara.
L'enjeu est d'autant plus crucial que Tidjane Thiam occupe une place stratégique au sein de la Coalition pour l'Alternance Pacifique en Côte d'Ivoire (CAP-CI), une plateforme d'opposition créée le 10 mars 2025, regroupant vingt-cinq partis politiques. Parmi ces formations figurent le PDCI, le Front Populaire Ivoirien (FPI), le Mouvement des Générations Capables (MGC) et le Congrès Panafricain pour la Justice et l'Égalité des Peuples (COJEP). La CAP-CI ambitionne d'assurer des élections inclusives et transparentes, tout en promouvant la réconciliation nationale. Sous la coordination de Tidjane Thiam et avec Simone Ehivet Gbagbo comme porte-parole, cette coalition apparaît comme une force d'opposition majeure face au RHDP.
Toutefois, une réaction vigoureuse de la CAP-CI aux stratégies du RHDP pourrait aggraver la situation politique du pays. Une escalade des hostilités entre l'opposition et le pouvoir en place risquerait d'engendrer des manifestations, des troubles sociaux et une radicalisation des discours. L'histoire ivoirienne a déjà démontré que de telles tensions peuvent mener à des affrontements meurtriers, comme ce fut le cas lors des crises de 2002 et 2010-2011. Dans ce contexte, il est essentiel que le RHDP, en tant que garant de la stabilité et de l'ordre public, adopte une posture favorisant le dialogue démocratique afin d'éviter un climat de confrontation aux conséquences imprévisibles.
Pour garantir des élections crédibles et apaisées, il est impératif que le processus électoral soit transparent et que les différents acteurs politiques s'engagent à respecter les principes démocratiques et électoraux. Le rôle de la société civile et des partenaires internationaux sera déterminant dans l'observation du scrutin et la prévention de toute dérive susceptible d'affecter la paix sociale.
Les élections d'octobre 2025 constituent un tournant décisif pour l'avenir de la Côte d'Ivoire. La gestion des débats identitaires, le respect des institutions et la capacité des leaders politiques à préserver l'intérêt national au-delà des clivages partisans seront des éléments déterminants pour la stabilité et le développement du pays.
Junior Gnapié